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École, maîtres & écoliers, à Vascœuil depuis le milieu du XIXème siècle

Qui n’a jamais eu ce petit pincement au cœur, un jour, en poussant discrètement la porte d’une école ? Cette odeur indéfinissable, l’atmosphère à nulle autre comparable, les sons assourdis ; autant de repères qui, inexorablement, nous replongent dans notre propre passé. Photographies de classe anciennes, mobilier scolaire, bâtiments hérités du passé, nombreuses sont les traces qui nous poussent à remonter le temps. Comment fonctionnait donc l’école et qu’était-ce que d’être instituteur ou écolier à Vascœuil autrefois ?

L’idée de construire une école à Vascœuil est ancienne. Dès 1852, ce projet émerge. Jusqu’alors, l’école se faisait dans une maison louée à cet effet. Or, en 1852, la vente prochaine de la bâtisse par son propriétaire pousse la municipalité de Vascœuil à se lancer dans un ambitieux projet de construction d’une école sur un terrain donné par M. Boulenger. Au rez-de-chaussée de la nouvelle construction, on prévoit une salle de classe. Deux escaliers desservent l’étage qui est séparé en deux : une partie est réservée à l’instituteur tandis que l’autre est affectée à la mairie. Sans doute parce que le projet ne semble pas rencontrer une grande adhésion, on planche à nouveau sur la question. Le deuxième plan présenté le 13 mars 1853 correspond à l’édifice actuel.

La salle qui fait aujourd’hui office de mairie abrite alors la classe de garçons. Dans le bâtiment qui servait, il y a peu de temps encore, de dortoir pour les enfants de maternelle se trouve la classe de filles. La mairie, elle, prend ses quartiers au niveau de l’actuel secrétariat. Quant au logement, il comporte une pièce au rez-de-chaussée avec cellier et se développe plus largement aux étages supérieurs entièrement réservés au couple d’enseignants. Le coût de l’opération se monte à 7000 francs de l’époque.

En 1865, la commune de Perruel construisant sa propre école, Vascœuil, qui scolarisait les enfants de ce village, se retrouve dans une situation délicate, avec un nombre d’élèves réduit. La décision est pourtant prise de faire un effort financier important afin de maintenir dans le village la structure à deux classes à laquelle on s’était accoutumé. En effet, on craint fort un retour en arrière que l’on juge « rétrograde ». Et pourtant, cette volonté de maintenir contre vents et marées deux classes non mixtes ne résiste pas à l’épreuve du temps. Très vite la classe des filles est désaffectée et tout le monde se retrouve dans l’ancienne classe de garçons, la salle la plus spacieuse.

En 1882, la visite de M. l’Inspecteur des écoles primaires impose un certain nombre de changements. Ordre est en effet donné de « faire blanchir la muraille de l’école ». De plus une demande est faite auprès de la municipalité dans le but de créer une salle à manger avec parquet pour l’instituteur à la place de la cave. Une cave et une buanderie doivent être implantées dans ce qui reste de la classe de filles, l’autre partie ayant déjà été transformée en préau dans les années précédentes. Dans ce préau, M. l’Inspecteur demande à ce qu’une « piscine » soit aménagée. Il s’agit probablement d’un bac à eau. Le total des travaux à réaliser se monte à 2700 Francs. La mairie s’exécute. Il faut dire que la moitié de la somme est payée par l’administration centrale. Il reste à trouver 1350 Francs qui sont financés à hauteur de 750 Francs par la commune et par un emprunt à 4 % sur 30 ans, contracté auprès de la caisse des écoles, pour le reste.

À la fin des années 1920, le problème de la construction de l’école se pose à nouveau. La salle de classe située dans l’actuelle salle de la mairie n’est pas extensible à l’infini et il faut périodiquement que la communauté scolaire déménage lors de mariages ! Vascœuil décide la construction d’une école neuve qui correspond, en partie, à l’actuelle salle de jeu de l’école maternelle. Le local est inauguré en grande pompe par Monsieur le Préfet, le 26 octobre 1930. Quelques années plus tard, le bâtiment est agrandi d’une travée vers l’Est par M. Delesque, maçon à Perriers-sur-Andelle, permettant ainsi l’implantation d’une deuxième classe séparée de la première par une cloison de bois amovible. Ces deux classes viennent rythmer la vie du village jusqu’à ce que l’une d’elles ferme, au début des années 1970.

Au début des années 1980, la population du village ayant diminué et vieilli, le nombre d’enfants en âge d’être scolarisés se trouve réduit au point que la classe unique est menacée ! C’est pourquoi la municipalité opte vite pour un jumelage avec la Commune des Hogues, en 1984, puis avec celle de Perruel, en 1988, constituant ainsi un regroupement scolaire dans lequel le village se spécialise dans la maternelle. Un bâtiment préfabriqué accueille provisoirement la cantine.

Avec l’essor démographique retrouvé dans les trois villages du regroupement, l’ouverture d’une seconde classe maternelle s’impose assez vite. C’est pourquoi, le projet de construction d’un nouveau bâtiment comportant deux salles de classe est mené à bien et voit le jour à la rentrée 1995. En 2008, dernière pierre de l’édifice, la salle Chapellière, élevée grâce à un don généreux, permet à la cantine de pouvoir assumer un afflux toujours plus important d’élèves et autorise le démontage du bâtiment préfabriqué, après des années de bons et loyaux services.

Insérés dans une école en perpétuelle mutation, comment nos instituteurs se sont-ils inscrits dans le dispositif ?

On sait peu de choses sur les instituteurs de Vascœuil de la fin du XIXe siècle. Quatre noms émaillent les chroniques villageoises inscrites dans les registres de délibérations de la mairie : Julien Ducrocq, instituteur en 1860, Hippolyte Freulet, de 1860 à 1863, Désiré Leroy, de 1864 à 1893 et Jules Pichard, de 1897 à 1909. Seul ce dernier nous a laissé une trace tangible de son passage à l’école par le biais de deux photos le présentant avec sa classe. On sent, dans le visage de cet homme, un caractère sévère empreint d’idéaux. On imagine sans peine ce « hussard noir » de la république, d’une grande rigueur envers ses élèves, pétri d’idéaux républicains et convaincu de la valeur de l’enseignement dans la formation du citoyen. On connaît la lutte sourde qui a pu opposer les instituteurs de ce temps aux hommes d’Église, dans le long et difficile combat mené dans la France du XIXe siècle pour imposer un enseignement laïc. On songe aussi aux actions menées auprès des personnes défavorisées pour qu’elles laissent leurs enfants aller se former à l’école plutôt que de les obliger à se rendre aux champs aider aux tâches agricoles. Le successeur de M. Pichard, M. Pinel, est dès 1911 remplacé par Alfred Saint Gilles qui meurt au combat en 1916 et dont le nom figure sur le monument aux morts du village.

En 1865, le traitement annuel de l’instituteur est de 600 francs. Les cotisations versées par les familles ne suffisent pas, il faut à la municipalité faire un effort financier non négligeable pour fournir un salaire décent au maître. Ce salaire n’est pas mirobolant, mais il assure un revenu régulier à l’instituteur, ce qui le met à l’abri des fluctuations économiques. Le maître est un homme qui échappe à la logique de la terre et de l’usine et ce positionnement lui confère une place de choix dans le village.

La vie au village, pour les instituteurs de cette époque, devait être bien réglée. Hébergés dans le logement de fonction de la commune, ces hommes sont finalement sous contrôle. Profitant des libéralités des parents, satisfaits du travail fourni, ils n’en sont pas moins redevables de tout au village et, de ce fait, n’ont guère de liberté de manœuvre et ce, d’autant plus qu’ils doivent constituer un modèle à suivre. Car l’instituteur, malgré la modestie de ses émoluments, occupe, à n’en pas douter, par le poids de sa culture, une situation de notable dans le village. N’est-ce pas lui que l’on vient voir, lorsque l’on a un papier administratif à remplir, une lettre à écrire, un conseil à demander. C’est donc d’un profond respect dont bénéficie l’instituteur de l’époque.

Les choses ont longtemps perduré. Après les années 1930, avec la renaissance d’une deuxième classe, on entre dans la logique des couples d’enseignants fermement attachés au village. C’est ainsi que Mme et M. Normand, de 1936 à 1945, Mme et M. Lenormand, de 1945 à 1951 et Mme et M. Léger de 1951 à 1971 ont fortement marqué de leur empreinte les villageois. Formés dans les écoles normales d’instituteurs et d’institutrices, s’étant peut-être rencontrés lors du bal de fin de cycle, ces couples d’enseignants constituent des troupes d’une très grande cohésion, aptes à gérer les destinées de nombreux petits villageois pendant de longues années. Dans cette machinerie bien réglée, le maître se trouve détenteur de la classe des grands tandis que sa femme exerce son talent auprès des petits. Au maître aussi revient la fonction de secrétaire de mairie, tâche qu’il exerce avec maîtrise. Toutes ces activités confèrent au couple d’enseignants, une image empreinte de respect et de reconnaissance.

Il faut attendre les années 1970 pour que l’on assiste à un lent glissement sociologique marqué par une perte relative de l’aura du maître. Il faut dire que mai 68 est passé par là et avec lui, quelque part, la désacralisation des élites. De plus, avec l’élévation globale du niveau d’éducation, l’instituteur ne présente plus quelqu’un de plus cultivé que la moyenne. Enfin le changement d’approche pédagogique, qui place l’élève au cœur du dispositif éducatif, enlève à l’instituteur le rôle de premier plan qu’il détenait. Alors que les maîtres de naguère gouvernaient leurs classes sans contestation possible, l’instituteur des temps nouveaux voit son image de marque s’effriter, son autorité remise en doute. Fini le temps des punitions infligées aux élèves sans discussion possible. Les parents ont désormais leur mot à dire, quitte à desservir l’ordre imposé par l’enseignant. Parallèlement, le maître, qui est passé d’instituteur à professeur des Écoles, n’est plus logé par la municipalité et prend plus de distance par rapport à la communauté villageoise.

Pour tous ces instituteurs, l’école constitue un pan essentiel de l’existence. Comment les écoliers vivent-ils, quant à eux, cette grande expérience ?

En ce qui concerne le XIXe siècle, les informations qui subsistent sont issues de sources écrites. Dans les années 1870, par exemple, on sait que l’école est encore payante. Le prix est fixé, en 1870, à 1 Franc par mois pour les élèves de moins de 9 ans et 1 Franc 50 pour ceux qui dépassent cet âge. En 1872, cette contribution augmente, mais la désaffection d’un certain nombre de parents, qui préfèrent mettre leur enfant dans les communes limitrophes de Seine-Maritime jugées moins chères, pousse la municipalité à en faire baisser le prix en 1875. Parallèlement, une contribution volontaire, fournie par les familles des élèves payants, vise à concourir à l’établissement d’une bibliothèque scolaire. Il faut pour cela donner entre 3 et 7 centimes par mois, suivant la division. Les lois Jules Ferry de juin 1881 et mars 1882 et la loi d’octobre 1886, qui établissent le principe d’une école gratuite, laïque et obligatoire, mettent fin à ce genre de pratique.

Des témoignages nous permettent de brosser un tableau plus précis de la vie dans la classe, dans les années 1930. À l’époque des Normand, par exemple, tout un système est mis en place qui vise à motiver nos chers petits écoliers. Ainsi, tout exercice réussi donne lieu à l’attribution d’un bon point. Au bout d’un certain nombre de bons points, on reçoit récompense. Cela peut-être une image ou une médaille décernée pour la semaine, ce qui constitue une distinction très courue. Mais gare à celui qui ne place pas tous ses espoirs dans les vertus du travail, car il risque fort d’être puni. Et l’arsenal de punitions est au moins aussi riche que celui des récompenses ! Des mains sales peuvent donner lieu à un coup de règle sur les doigts. De même, tout écart de conduite mène à se retrouver à genoux, à côté du maître, avec un lourd dictionnaire porté à bout de bras sur la tête sous les regards en coin du reste de la classe. Il va sans dire que tout cela s’accompagne d’un monceau de lignes à copier, le soir, qui font amèrement regretter les écarts de la journée. Parfois, le maître retient les plus récalcitrants avec lui à la mairie, pendant qu’il opère comme secrétaire de mairie. L’enfant, à genoux, subit alors les regards inquisiteurs du public de visite dans le secrétariat.

C’est que la vie à l’école est régie par des règles très strictes auxquelles personne ne trouve à redire. D’abord, c’est le port obligatoire de la blouse grise qui a pour gros avantage de gommer les différences sociales. À cette contrainte s’ajoute, pendant la guerre, le port de sabots, les chaussures étant introuvables. Les élèves sont en outre invités à participer aux tâches ménagères. L’enfant désigné doit balayer la classe, après l’avoir aspergée d’eau avec une boîte percée de trous. De même, il y a la corvée de bois menée à bien par l’élève de service, mais c’est M. Normand qui charge lui-même le poêle, par mesure de sécurité. Pendant la guerre, les enfants doivent ramasser des marrons que l’on coupe en deux et que l’on fait sécher afin qu’ils puissent servir de combustible, dans le poêle. De même, les élèves sont régulièrement de service de ramassage des doryphores qui prolifèrent alors dans la campagne normande. Même les Allemands s’y mettent en commanditant, au début de l’occupation, une opération de ramassage des métaux ferreux et non ferreux que les enfants collectent à l’aide de petites carrioles !

Peu de mouvements de révolte sont venus rompre ce rythme immuable. C’est tout juste si certains élèves, victimes d’injustices notoires, comme ce refus du maître, pendant la guerre, de distribuer des biscuits vitaminés à certains sous prétexte qu’ils ne manquent de rien chez eux ou une distribution de bons points jugée injuste, ont eu des velléités de faire une fugue. Mais en règle générale, rien n’est susceptible de remettre en cause l’autorité des maîtres.

L’école, pour beaucoup, s’arrête à 14 ans. Les meilleurs sont conviés à passer les épreuves du Certificat de fin d’étude. Certains, promus à de longues études, quittent l’école prématurément pour aller s’asseoir sur d’autres bancs, dans les petites classes des lycées.

Mais l’école, c’est aussi le jeu, la récréation étant pour cela un moment privilégié. On joue à la « cligne », jeu d’équipe dans lequel le but est de toucher l’adversaire qui retourne vers son camp. Les filles s’adonnent à la marelle et à la corde à sauter. Une corde à nœud et une corde lisse pendent sous le préau et constituent les instruments de prédilection des séances de sport. Quant aux sorties scolaires, elles ne sont plus de mise. Il faut dire que la guerre rend inenvisageable ce genre d’expédition.

Au début des années 60, du temps des Léger, rien ne semble avoir bougé. Il y a toujours ce profond respect des maîtres et ce, d’autant plus que Mme et M. Léger savent se faire respecter. Les fameux bons points continuent de motiver les élèves. Dans l’armoire, vers laquelle on se rend religieusement, sont toujours rangés plumes sergent-major, encre, buvards et cahiers neufs. Les activités continuent d’être différenciées avec la couture réservée aux filles. Le sport est toujours mené par les instituteurs, on passe d’ailleurs un brevet sportif. Seule nouveauté, l’accès à la cour arrière de l’école permet de désengorger celle de devant. À la récréation, « barres anglaises », ping-pong, jonglage, marelle, corde à sauter continuent de rythmer le quotidien de nos petits écoliers. Dans un autre registre, la préparation de la fête de fin d’année que clôture la remise des prix est un temps fort de l’école. Une pièce de théâtre est montée, comme ce fameux « Sergent de Waterloo », en 1960, dont on a conservé des photographies. Enfin, des voyages scolaires viennent rompre la monotonie du cycle scolaire. C’est ainsi que Versailles ou le wagon de l’armistice, à Rethondes, sont visités. De même, l’école est conviée à se rendre à la fête de la jeunesse au cours de laquelle on retrouve d’autres classes aux élèves habillés en blanc y faisant des mouvements de gymnastique.

Dans les années 1970, l’école change et s’ouvre aux activités d’éveil. La volonté affichée est d’en finir avec les cours directifs dans lesquels l’enfant demeure par trop passif. Place aux dispositifs qui mettent l’élève dans une situation active d’apprenant, au grand dam de certains parents qui ne retrouvent plus l’école de leur enfance. Depuis, bien des réformes ont passé, mais cela est une autre histoire…

Aujourd’hui, l’école de Vascœuil poursuit son aventure. Le regroupement dans lequel le village est intégré connaît un franc succès, comme en témoigne l’ouverture d’une nouvelle classe à Perruel. On souhaite longue vie à cette structure qui permet aux villages de la taille du nôtre de s’animer, même si on sait qu’à l’heure de la rentabilisation des moyens, ce genre de structure peut sembler anachronique… Les petits écoliers de Vascœuil pourront ainsi continuer à vivre le grand apprentissage scolaire qui, de génération en génération, a façonné de multiples enfants.

Jean-Joseph Le Brozec